Guy Julien
FAC-SIMILÉ D'UN COURRIER DE MONSIEUR GUY JULIEN AUX AFFAIRES MARITIMES
CONCERNE UN MOTEUR BRISTOL HERCULES REPECHE AU LARGE DE SETE.
Le LP-650, ou quand le passé refait surface
Le 18/09/2005 un chalutier sétois remontait dans ses filets un moteur, un pneumatique et divers éléments de voilure provenant manifestement de l’épave sous-marine d’un avion.
Le moteur put rapidement être identifié comme un Bristol Hercules. Moteur radial de construction britannique qui équipa au cours de la Deuxième Guerre mondiale cinq types principaux d’appareils bimoteurs et quadrimoteurs :
- le Bristol Beaufighter, chasseur lourd et appareil d’assaut naval
- le bombardier et patrouilleur maritime Vickers Wellington
- bombardier lourd Handley Page Halifax
- dans certaines de ses versions, le bombardier Avro Lancaster Mk II
- dans certaines versions, le bombardier lourd Short Stirling
L’absence de perte rapportée concernant les «heavy» ainsi que le diamètre du pneumatique ramené par le chalut en même temps que le moteur Bristol firent qu’on abandonna rapidement l’hypothèse du quadrimoteur.
La possibilité d’un chasseur Beaufighter fut également écartée bien qu’au moins deux pertes concernant ce modèle aient pu être identifiées (un avion du squadron 272 de la RAF perdu lors de l’attaque du caboteur Embla en avril 1944 et un chasseur de nuit du 417th NFS de l’USAAF également perdu en 1944).
Concernant le dernier type d’appareil possible, le bimoteur Vickers Wellington, fut d’abord suivie la piste de deux patrouilleurs du Coastal Command de la RAF abattus les 8 et 9 janvier 1944 par le U-Boat qu’ils traquaient (U-343).
Cette hypothèse dut être abandonné quand il apparut que l’engagement avait eu lieu très au sud dans les eaux espagnoles.
Grâce aux lumières de Lucien Morareau fut écartée la possibilité d’un Wellington perdu après guerre par l’aéronautique navale.
La disparition dans le secteur d’un appareil de l’armée de l’air (qui utilisa pendant et après le conflit environ 150 Wellington dans les missions les plus diverses) négligée jusque-là devint dès lors, par défaut, une hypothèse crédible.
C’est en approfondissant cet axe de recherche que Mr Jean Robin découvrit dans les archives du SHD le cas du LP-650.
Le Wellington LP-650 immatriculé F.U.G.W.R appartenait Service Aérien de Sauvetage en Mer (SASM 99).
Le rapport d’accident le concernant est conservé à la branche Air du SHD (ex-SHAA) où il peut être consulté dans le classement 100E /13798.
Ce rapport a été établi par l'Inspection Générale de l'aviation de bombardement et de transport sous le n° 525/IGAA/IB.
Le LP-650 devait effectuer à l’aube du 21 juillet 1948 un vol de liaison Réghaïa/Istres. L’équipage se composait de cinq hommes. Huit passagers avaient par ailleurs été embarqués.
La météo était bonne malgré un très fort vent de nord-ouest signalé soufflant sur la côte languedocienne.
La suite est connue grâce au témoignage des survivants et aux transmissions radio de l’appareil.
-Au bout de 2h30 de vol, l'axe de transmission de la pompe à huile du moteur gauche casse, aussitôt le pilote et le Cdt de bord réagissent en mettant l'hélice en drapeau et en baissant 20° de volets tout en augmentant le régime du moteur droit à 2700 trs/minutes. Le Radio Claude Caperon lance un SOS. L’avion qui était trop bas selon le plan de vol (1000 m au lieu des 5000 prévus) remonte un peu puis perd de nouveau de l'altitude sans pour autant que le Cdt ne donne l'ordre de se délester à la mer des équipements superflus et du fret (procédure courante à cette époque dans cette situation).
Après avoir baissé le régime à 2400 et ramené les volets à 5°, le pilote décide de poser le bimoteur sur une mer formée. Cependant il semble qu’il ait arrondit trop tôt.
En perte de vitesse et concomitamment de portance le Wellington touche donc en abattée sur la gauche et se brise au contact de l'eau.
Des cinq membres d'équipage, seul le mécanicien navigant, le Sergent Roger Peyrichon, légèrement blessé, réchappe à la catastrophe.
L’enquête conduite par l’armée de l’air, si elle reconnaît la cause mécanique de l’accident n’exonère pas pour autant le Cdt de Bord qui compte parmi les victimes du crash, de toute responsabilité. Les enquêteurs militaires ont ainsi relevé à sa charge une série d’erreurs (régime moteur inadapté, mesures de précaution non prise) ainsi que des anomalies qu’il aurait dû être à même de corriger (canot de survie ficelé au fond du fuselage et donc difficilement accessible).
Huit militaires devaient être portés disparus. Cinq survivants seront retrouvés par un Dornier DO 24 de la flottille 30S basée à Saint Mandrier.
L'hydravion trimoteur put amerrir malgré la houle et le vent fort. Après deux heures passées en mer les rescapés équipés de gilets flottants de type US, cramponnés à une partie du plan fixe qui flottait encore apparaissaient bien prêts de lâcher prise. Les blessés seront ramenés à St-Mandrier puis hospitalisés à Toulon.
Le Wellington était équipé de deux Bristol Hercule VI : moteur gauche n° 5614/271.070 (230H40'de marche), moteur droit n°10.818/377.798 (179H20).
Certains relèvements effectués par Mr Robin après consultation du rapport d’accident situe le lieu de la disparition du LP-650 à un peu plus de 30 km du lieu où le moteur a été déclaré repêché.
En l’état, faute d’une certitude absolue, l’ hypothèse du LP-650 demeure la plus sérieuse pour expliquer la présence d’un moteur Bristol Hercules au large de Sète.
Guy JULIEN, novembre 2006
Photos (coll. Guy Julien) :
en haut : le moteur sur le port de Sète.
ci-dessous : ce qu'il reste d'une des jambes de trains. La jante a disparu avec la dissolution de l'alliage dans l'eau de mer, mais le pneu est toujours là.